Procès de "l'affaire Siné"
La
"belle affaire", qui a débouché sur l'éviction
de Siné de l'équipe Charlie Hebdo 2 et sur
l'heureuse création de l'hebdomadaire Siné Hebdo,
vient d'être discutée à la sixième chambre
du tribunal correctionnel de Lyon présidé
par Fernand Schir. Les
débats de société qui s'y sont déroulés
ont été passionnants notamment sur les questions de
liberté d'expression, de défense de la laïcité
et accessoirement sur les liens entre les médias et les
sphères du pouvoir.
Ainsi vient de se terminer le procès
intenté par la Licra (défendue par Me Alain Jakubowicz)
à Bob Siné, l'ex-chroniqueur de Charlie Hebdo 1 et 2
(viré par Philippe Val pour d'obscures raisons) et Directeur
de publication de Siné Hebdo pour "incitation à
la haine raciale". Ce procès se révèle très
paradoxal dans la forme, puisque la Licra accuse Siné de
racisme et d'antisémitisme sans mettre en cause la
responsabilité de Val en tant que Directeur de publication de
Charlie hebdo 2. Val se défend et est défendu,
mais contre rien, aucune accusation...(?) Celui-ci nie d'ailleurs
avoir lu les chroniques incriminées et avoir été
"alerté par téléphone", ce qui en dit
long sur les raisons de ses agissements qui l'ont conduit in fine à
se présenter comme "témoin" à charge
dans cette affaire. C'est dire s'il a agit non par éthique
comme il s'en est défendu pour virer Siné, mais bien en
prétextant le soit disant antisémitisme de Siné.
Ou encore par on ne sait quelle pression de tel ou tel... Bref un Val
quelque peu embrouillé.
BHL
qui comme à son habitude maltraite ses sources documentaires,
n'a rien
trouvé d'autre que de chercher de l'explicite à
l'implicite (sous-entendu de l'antisémitisme subliminal de
Siné) en "regardant sa biographie" et en utilisant
des citations sorties de leur contexte et remâchées sur
un ton d'atermoiement, loin, bien loin du ton satirique et
provocateur de Siné. Dominique
Sopo, erreur de casting sûrement, était dans le "camp
inquisiteur" face à certains des fondateurs du mouvement
SOS racisme dont il est président aujourd'hui. Cette situation
paradoxale et ce curieux antagonisme ne fait qu'ajouter de la
confusion aux accusations.
Ces accusations
d'ailleurs reprochées à Siné se révèlent
bien fausses pour ceux qui le connaissent ou qui le lisent, mais
aussi à la lueur des nombreux témoignages* en sa
faveur:
Filoche confirme qu' "il n'y a pas l'ombre d'une brèche d'antisémitisme dans cet homme"; Bedos rappelle que cette affaire le heurte au point de déplorer que "l'on pourchasse les antisémites comme le Macarthisme le faisait avec les communistes." en concluant "Mais que l'on recherche les vrais antisémites!"; Ghozali s'étonne sur le fait que "certains ne comprennent pas l'humour français" et affirme que "cette affaire est politique."; Mark Held déclare à Me Jakubowicz que, quand il cite Siné, "son ton n'est pas celui de Siné", que "Siné est un juif d'honneur" et que ce procès "est une querelle d'allemands"; Jean-Marie Laclavetine déplore la mauvaise foi de l'accusation qui lui fait penser "à une armée des 12 singes de la pensée unique" dont ferait partie BHL, et prévient que "si il y a condamnation de Siné, l'autocensure augmenterait" en même temps que le "sentiment d'asphyxie" de la liberté d'expression. André Langaney rappelle la censure qui s'exerce dans Charlie Hebdo 2 et réaffirme "qu'il y a qu'une seul race d'être humain" et "qu'il n'y a pas de segmentation possible."; Enfin l'intervention drôle, scientifique et littéraire de Dominique Lagorgette n'a fait que montrer que Siné "préférait les porte-jartelles aux voiles" et confirmé le génie satirique de Siné.
Le
procureur Bernard Reynaud demande la relaxe, considérant que
"Siné n'incite pas à la haine d'une communauté
en particulier", mais s'en prend à ceux qui affichent des
signes extérieurs de communautarisme; pour conclure à
une simple "profession de foi d'athéisme, de laicité".
En rappelant au passage que les magistrats "ne sont pas des
snipers de la Morale", s'en prenant à la ligne
d'accusation de la Licra.
Durant les plaidoyers, la défense
(Maître
Thierry Levy et Maître Dominique Tricaud) n'ont
cessé de dénoncer la mauvaise foi de l'accusation.
Notamment en regrettant la manipulation des citations satiriques
présentées hors contexte. La défense parle même
du "caractère stalinien du procès" et du fait "que
les victimes (de ce procès) sont les vrais victimes de l'antisémitisme".
La défense parle d'affaire politique en démontrant que
"Val aurait succombé au appel du pouvoir" et ainsi
rendu service au président de la République.
*Témoins de la défense:
Gérard Filoche – Inspecteur du travail. Co-fondateur de SOS Racisme, Guy Bedos – Artiste et délégué de la Ligue des Droits de l’Homme,, Sid Ahmed Ghozali – Ancien 1er Ministre algérien, opposant au FIS, Mark Held - Architecte, Jean-Marie Laclavetine – Auteur et éditeur chez Gallimard, Dominique Lagorgette - Linguiste à l’Université de Savoie et André Langaney – Professeur au Muséum national d’Histoire naturelle.